E.R.O.S. (1959)

Histoire d'une exposition surréaliste à travers la collection Daniel Cordier

Nouvelle présentation pour célébrer le centenaire du surréalisme en 2024

Depuis leur ouverture en 2000, les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse accueillent en dépôt permanent la collection de Daniel Cordier, donnée au Musée national d’art moderne – Centre Georges Pompidou (Paris). Ancien secrétaire de Jean Moulin et Compagnon de la Libération, amateur d’art, Daniel Cordier fut également galeriste de 1956 à 1964, soit « huit ans d’agitation » – selon sa propre expression. Au cœur de cette période, il accueillit dans sa galerie, en 1959, la huitième Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme, « E.R.O.S. », célébrant l’érotisme. Aujourd’hui, les Abattoirs vous invitent à replonger dans l’histoire de cet événement.

Douze ans après « Le Surréalisme en 1947 » à la galerie Maeght, l’écrivain André Breton (1896-1966), auteur du Manifeste du surréalisme (1924), et l’artiste Marcel Duchamp (1887-1968), imaginent dans la galerie Cordier une nouvelle exposition collective du groupe, sténographiée par le graphiste et architecte Pierre Faucheux (1924-1999). Le mouvement, créé en 1924, a déjà fait l’objet de sept manifestations similaires, des expositions-événements, depuis celle de 1936 organisée aux New Burlington Galleries (Londres) et dans la lignée de celle de 1938 à la galerie des Beaux-Arts, à Paris.

Dans « E.R.O.S. », André Breton se défend de traiter l’amour charnel, pour mieux célébrer le « besoin fondamental de transgression » des surréalistes : à l’image de Cordier, eux aussi sont des agitateurs. Autour d’un ensemble d’œuvres historiques du groupe, d’autres inédites ou apparentées, « E.R.O.S. » est un labyrinthe investi par Friedrich Schröder-Sonnenstern, Robert Rauschenberg, Mimi Parent et bien d’autres compagnons de jeu. Accueilli par les effluves d’un parfum aux notes « sexuelles » et la diffusion de « soupirs amoureux », le public pénètre dans un labyrinthe tapissé de velours. Au sol, une épaisse couche de sable achève d’étouffer les bruits : dans ce qui reste l’une des premières expositions-happening, tout est fait pour désorienter le spectateur, de la « Forêt du sexe » au « Repaire », en passant par la « Crypte du fétichisme ».

Aux Abattoirs, le parcours de cette évocation de « E.R.O.S » à travers la collection de Daniel Cordier regroupe certains des artistes qui y furent présents, mais aussi des œuvres contemporaines qui réactualisent son propos. Sous l’égide d’Eros qui sert de fil rouge – ou rose – à la visite, les thématiques abordées explorent les différents ressorts de l’amour, de la sensualité, du fantasme, de la violence aussi. Une première salle met le corps à l’honneur : aux côtés des Poupées de Hans Bellmer, l’évocation du Festin de Meret Oppenheim partage l’image d’un corps particulier, celui de la femme dans les représentations surréalistes. Du corps, on glisse au vivant dans la seconde salle, au souffle de vie commun à l’Humain et à la Nature : l’union des deux produit des œuvres où le végétal et le charnel se confondent, à la manière de la grotte tapissée de rose créée dans la galerie Cordier. L’Objet concentre dans une troisième salle l’intérêt que lui portent les membres du groupe, que ce soit dans leurs œuvres, à l’instar d’Alberto Giacometti, inventeur de « l’objet à fonctionnement symbolique », ou dans leur intérêt pour les naturalia. Cordier est également un homme de lettres : dans une dernière salle, formes et matières se conjuguent au plaisir de la lecture. Surréalistes, poétesses, universitaires ont contribué dès l’après-guerre à écrire une histoire de la sexualité et de l’érotisme : aujourd’hui, sa relecture teinte la poétique des corps d’une coloration politique.

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