Le siècle de Sabine Weiss
Projection en présence de la réalisatrice Camille Ménager, dans le cadre du Cycle "Le temps de Giacometti"
Auditorium
Entrée libre, dans la limite des places disponibles
Le film de Camille Ménager revient sur le parcours de la photographe franco-suisse Sabine Weiss qui a connu Alberto Giacometti pendant la guerre :
"J’étais amie avec sa femme, ce qui m’a facilité beaucoup de choses pour le connaître bien et le photographier dans son atelier". Elle rencontre le couple au milieu des années 1940 avec lequel elle restera très liée. Elle a ainsi réalisé plusieurs centaines de photographies de l'atelier et des œuvres du sculpteur, quelques-unes sont présentées dans l’exposition dans "Le temps de Giacometti"
Camille Ménager a rencontré la grande photographe à l’automne 2021. Elle raconte ainsi la genèse de son film Le Siècle de Sabine Weiss, un documentaire produit par Brotherfilms :
"Est-ce parce que ça l’amusait de voir débarquer une jeune réalisatrice intéressée par son travail, une caméra, de l’attention ? Elle a tout de suite été généreuse de son temps et de sa parole. Elle m’a ouvert les portes de son atelier et de sa vie sans un grain de malice, se demandant régulièrement ce que j’allais faire de tout ce qu’elle me racontait.
Puis quelques semaines après le début d’un tournage fragmenté, Sabine est morte. Et avec cette disparition, le vertige d’un film qu’il faudrait terminer sans elle… Si les questions qui m’animaient lors de ma première rencontre avec elle sont restées les mêmes, la façon de chercher des réponses, elle, a nécessité quelques ajustements.
Comment s’est construite l’œuvre de Sabine Weiss ? Quel regard portait-elle sur le monde ? Que nous racontent, aujourd’hui, ses photographies ?
Elle ne photographiait plus, depuis déjà plusieurs années. L’âge et la sagesse lui avaient permis de regarder en arrière, de redécouvrir ses photographies. Elle était parfois émue par ces visages, ces atmosphères, ces regards, et souvent critique sur son travail.
Son plus grand bonheur, disait-elle, serait d’avoir réussi à transmettre aux générations qui la suivent la joie qu’elle a eu à regarder, observer, et photographier l’humain dans l’intimité de ses sentiments, si mystérieux et si universels.
"Je ne suis pas une artiste", avait-elle coutume de répéter. Elle avait peut-être raison, car elle est plus que ça. Artisane, ouvrière de la technique et de la chimie, témoin d’un demi-siècle bouillonnant. Sa vie nous raconte l’immédiat après-guerre, une France qui sort exsangue du second conflit mondial mais qui regarde vers l’avenir ; les années 50 où elle baigne avec son mari, le peintre Hugh Weiss, dans l’effervescence de l’avant-garde artistique de l’époque ; les années 60 et 70 avec l’essor de la pub et des grands magazines de mode comme Vogue, Newsweek, ou Paris Match, pour lesquels elle travaillait sans relâche. Les transformations des années 90, avec un œil toujours curieux – on sent y pointer une âme de sociologue –envers les autres, des moines birmans aux habitants du Val de Marne.
La vie de Sabine nous raconte aussi ce qu’est d’être une femme dans un monde d’homme - "Allons ma petite mémère, mettez-vous de côté, laissez faire les photographes !" raconte-t-elle avoir entendu quand elle se frottait au reportage, au milieu des briscards de l’image d’actualité. Quand elle ne répondait pas à unecommande, elle partait capturer des images en noir et blanc, fixant sur la pellicule celles et ceux qui la touchent : les petites gens dont on ne parle jamais, les enfants qu’on oublie parfois, les vieillards auxquelson ne fait plus attention.
(…)".
Camille Ménager, septembre 2022
Camille Ménager est autrice et réalisatrice. Historienne de formation (Paris 1 / école doctorale de Sciences Po), Camille Ménager écrit et réalise des films documentaires d’histoire. Elle s’intéresse notamment aux questions transverses entre l’histoire et la mémoire, aux parcours de(s) femmes et à l’histoire de l’image de guerre.
Ancienne réalisatrice et co-rédactrice en chef du magazine d'histoire de France 3 "L'Ombre d'un doute", elle a, depuis une dizaine d’années, écrit et/ou réalisé des documentaires portant sur des thèmes, personnages, ou époques différent(e)s : Les trésors de la Préfecture de police (90’ et 2x52’, France 5, 2019) ; Verdun, paysage après la guerre (11’, Arte, 2018) ; La mort de Lady Diana (90’, France 3, 2016) ; Les trésors de la joaillerie française (110’, France 5, 2015) ; Les artistes sous l'Occupation (110’, France 3, 2014) ; Qui était vraiment François Ier ? (110’, France 3, 2015) ; Napoléon, le défi de trop ? (110’, France 3, 2014) ; Vienne, ombres et lumières (110’, France 3, 2014) ; Le Louvre, palais du pouvoir(110’, France 3, 2013) ; Rudolf Noureev, le prix de la liberté (80’, France 2, 2012) ; La traque de Klaus Barbie (110’, France 2, 2012) ; Au cœur du procès Barbie (52’, DVD, 2010).
Auparavant, elle a été première assistante de réalisation et documentaliste pour plusieurs films documentaires dont : Mon meilleur ennemi (90’), de Kevin Macdonald (sortie salles en 2007) ; L'avocat de la terreur (134’), de Barbet Schroeder (sortie salles en 2008, César du meilleur documentaire 2008). Elle a de plus assisté le réalisateur Jérôme Prieur sur plusieurs de ses documentaires : Le journal d'Hélène Berr (90') ; Vivement le cinéma (80’) ; Le Mur de l'Atlantique (80’).
De 2011 à 2018, elle a mené des activités de recherche et d’enseignement, en animant avec l’historienne Julie Maeck un atelier artistique sur la fabrication des images de guerre et leur réutilisation dans le film documentaire à Sciences Po, Paris. Elle a publié en janvier 2008 pour la mairie de Paris la brochure intitulée Le sauvetage des juifs à Paris, 1940-1944, en participation avec le Centre dʼEtudes et de Recherches Internationales et Centre dʼHistoire de Sciences Po.
Filmographie récente
Le siècle de Sabine Weiss (59’, Brotherfilms, France 5 – sélection Longs-métrages du Festival International du Film sur l’Art, 2023) ; Sur les traces de Gerda Taro (60’, Brotherfilms, France 5 – Grand prix Terre(s) d’histoire, Figra, 2021 ; sélection au Festival international du Film d’Histoire, Pessac, Panorama du documentaire, 2021 ; sélection aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois, 2021) ; Tu seras mère ma fille (90’, Brotherfilms, France 5 – sélection Terre(s) d’histoire, Figra, 2019 ; sélection Documentaire, festival des créations audiovisuelles de Luchon, 2019).