Julien Langerdorff, "Sans titre", 2015, Collection les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse, acrylique, collage sur papier, 41 x 30,5 cm © droits réservés ; photogr. courtesy de l’artiste

Polyphonie Graphique

L’exposition « Polyphonie Graphique » présentée dans la petite cité de caractère du Tarn à Lacaze, se propose d’explorer le versant sonore de la collection des Abattoirs Musée- Frac Occitanie Toulouse. Invité par l’Association des Amis du Château et par la mairie de Lacaze, cette exposition réunie une sélection d’œuvres qui convoque le visiteur à une plongée autour des rapports que la musique et les arts plastiques entretiennent avec un regard circonspect, quelque fois ironique, interrogatif souvent.

L’histoire de l’art nous rappelle que ces liens particuliers ont été explorés durant tout le XXème siècle ou dès 1911 le Manifeste des musiciens futuristes fut écrit puis en 1913 rénové par une musique dite bruitiste : « Nous nous amuserons à orchestrer idéalement les portes à coulisses des magasins, le brouhaha des foules, les tintamarres différents des gares, des forges, des filatures, des imprimeries, des usines électrique… ». 

Vassily Kandinsky parlera par la suite de la couleur comme sonorité et de la non couleur comme bruissement. Marcel Duchamp nous exposera en 1916 son « A bruit secret »  et Michel Seuphor dans la Musique Verbale qui annonce la musique concrète nous rappelle : « Les instruments à cordes, à vents, les cuivres, etc. doivent être remplacés par une batterie d’objets durs. La construction et la matière des nouveaux instruments seront de la plus haute importance… Et quant au moyen de production du son, il sera préférable d’employer l’électricité, le magnétisme, la mécanique, car ils excluent mieux l’immixtion de l’individuel. » Kurt Schwitters en 1922 nous présentera son Ursonate (partition qui ressemble à un calligramme d’Apollinaire avec les notes remplacées par des onomatopées). Viendra le temps de la personnalité et l’œuvre de John Cage (1912-1992) indissociables du monde sonore du 20e siècle. Lui qui trouvait les musiques de ses contemporains « trop bonnes car elles n'acceptent pas le chaos », il s’est intéressé à la fois au silence et à la grande diversité et richesse des sons. Dans Silence (1970), il écrit : « La musique n’est-elle que de sons ? / Si oui, que communique-t-elle ? / Un camion qui passe est-il de la musique ? / Si je le vois, est-ce que je dois aussi l’entendre ? / Si je ne l’entends pas, est-ce qu’il continue de communiquer ? / Lequel est le plus musical d’un camion qui passe devant une usine ou d’un camion qui passe devant une école de musique ? »

Tels sont les champs que souhaitent jouer la mélodie de cette exposition ou sont rassemblés les travaux d’artistes dont l’attrait pour la musique est indissociable de leur travail plastique qu’ils l’évoquent  au travers de leurs dessins (Valerio ADAMI, Jean-Paul CHAMBAS, Daniel CLOCHEY, UNGLEE), de leurs photographies (Francisco ARTIGAS, Patrick RIOU) de leurs collages (Julien LANGENDORFF), de leurs sculptures (Bernhard RÙDIGER), de leurs tapisseries (Marc SAINT-SAENS), de leurs installations (John CORNU, , Arnaud MAGUET) ou de leurs vidéos ( Julie CHAFFORT, Yazid OULAB). 

La musique résonne ici à tous les étages et s’offre au visiteur dans un polyphonie graphique majestueuse qui n’aurait pu être complète sans l’invitation faite à la jeune artiste anglaise demeurant en France Bonella Holloway (lauréate du prix Mezzanine Sud des amis du musée des abattoirs en 2020) qui nous offre en guise de chef d’orchestre une installation originale créée spécialement pour l’exposition intitulée « Je négocie avec le réel » mixant  poésie, sonorités occitanes et contemporaines.

 

La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
— C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au cœur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées…

STÉPHANE MALLARMÉ, APPARITION (1863), Extraits

 

 

Œuvres de la collection des Abattoirs : Valerio ADAMI, Francisco ARTIGAS, Francisco ARTIGAS, Julie CHAFFORT,-Jean-Paul CHAMBAS, Daniel CLOCHEY, John CORNU, Julien LANGENDORFF, Arnaud MAGUET,  Yazid OULAB, Patrick RIOU, Bernhard RÙDIGER, Marc SAINT-SAENS,  UNGLEE

Artiste invitée : Bonella Holloway

Disques de la collection des abattoirs 

(Groupes et artiste ayant réalisé la pochette) : 

Sonic Youth pochettes de Richard Avedon, Gerard Richter, Raymond Pettibon, Marnie Weber, Richard Kern et Richard Prince; New Humans de Philippe Decrauzat ; A.R penk; Command Allstars de Joseph Albers; Bil Viola ; Patti Smith de Mapplethorpe; Céleste Boursier Mougenot et Super Reverb d’Arnaud Maguet.