Antonio Saura, "Dama en technicolor I", 1968, collection les Abattoirs, Musée-Frac Occitanie Toulouse, lithographie, 62,8 x 45,3 cm © Adagp, Paris, 2024 © photo Grand Rond Production

Les couleurs de l’exil, Un pan de la création espagnole

A l'occasion de l'exposition Les couleurs de l’exil, un pan de la peinture espagnole, présenté à la Maison du patrimoine de Saint Lary, les Abattoirs Musée - Frac Occitanie Toulouse présentent un choix d'œuvres d'artistes espagnols de ses collections.

Œuvres de la collection des Abattoirs Musée - Frac Occitanie, Toulouse

Eduardo Arroyo, Miquel Barceló, José Manuel Broto, Jordi Canudas, Eduardo Chillida, Antoni Clavé, Esther Ferrer, Rafa Forteza, Josep Grau-Garriga, Manolo Millares, Antoni Miralda, Antonio Saura, José Maria Sicilia, Antoni Tàpies

À l’occasion de l’exposition Les couleurs de l’exil, un pan de la création espagnole, présentée à la Maison du patrimoine de Saint-Lary, les Abattoirs Musée - Frac Occitanie, Toulouse présentent un choix d’œuvres d’artistes espagnols de leurs collections. Ceux, glorieux, d’une génération antérieure aux années 70 (Millares, Saura, Tàpies, Clavé, Arroyo) et cela même sur la scène artistique nationale, puis internationale à partir des années 80 (Barceló, Broto, Ferrer, Sicilia, Garcia Sevilla). Cette exposition est l’occasion de revenir sur un pan de l’histoire de l’art espagnol au travers de ces peintres qui ont connus à la fois l’exil et l’esprit de résistance.

En 1939, l’Espagne est dévastée. Une sanglante guerre civile et deux dictatures militaires - dont celle du Général Franco qui durera 35 ans, font de l’Espagne un monde isolé dans l’histoire de l’art. La principale préoccupation du nouveau régime fut de recréer une identité nationale forte basée sur l’esprit phalangiste : catholicisme viril et triomphant, refus des libertés et oubli du passé proche. L’avant-garde artistique, représentée par Picasso, Dalí, Buñuel ou Miró, devient dès lors indésirable en Espagne, le franquisme lui préférant un ”art du régime” ou à l’extrême limite une modernité plus ”acceptable”.

Malgré tout, des groupes résistants à la censure et à l’étouffement se constituent afin de prouver qu’il est possible de poursuivre la trajectoire avant-gardiste de l’avant-guerre. À Barcelone, Le mouvement Dau al Set (la ”Septième Face du Dé”), d’inspiration surréaliste, constitue le premier signe de respiration artistique dans l’Espagne d’après-guerre. Ce groupe, fondé en 1948, voit l’émergence dans ses rangs d’Antoni Tàpies (né en 1923), qui deviendra une figure centrale de l’avant-garde de la deuxième moitié du vingtième siècle.

La Catalogne n’est pas la seule à s’insurger contre l’obscurantisme franquiste et Madrid se rebelle aussi dès 1957 avec la constitution du groupe El Paso (”Le Pas”) fondé par Antonio Saura (né en 1930 à Huesca) et composé d’artistes tel Manolo Millares. El Paso se veut synonyme de rupture, expression d’une éthique artistique qui voudrait transformer la société en bouleversant les règles de l’art afin d’éduquer le peuple espagnol à de nouveaux langages. L’art de cette génération d’artistes est caractérisé par la sévérité, le dépouillement, le dramatisme ancestral et les aspirations métaphysiques. De plus, la mutinerie de ces créateurs contre le régime franquiste, la ”haine amoureuse” qu’ils éprouvent à l’égard de leur pays, reste une constante.

Mais après 40 ans de dictature, l’Espagne rompt enfin avec son passé ténébreux. Au début des années 80, Madrid, Barcelone, Séville, Valence connaissent une effervescence artistique insolite. En même temps que l’Espagne entre dans l’univers des démocraties européennes, la nouvelle génération d’artistes espagnols (Barceló, Broto, Sicilia, Garcia Sevilla, Esther Ferrer) se découvre un dynamisme puissant et assumé. Celle-ci ne s’embarrasse pas d’inutiles idées, de vaines prétentions, mais invente, dans l’intensité de l’image et de l’instant, une relation au monde faite de hâte et d’acharnement, comme si trop de temps avait été déjà perdu.

Cette sélection n’offre qu’un visage de cette histoire au travers des acquisitions faites par les Abattoirs à leur ouverture, nous vous invitons à découvrir la pluralité et la variété des propositions artistiques de cette période via le travail d’autres artistes, notamment d’artistes femmes telles que Victorina Durán, Susana Solano, Angela Garcia Codoñer ou Juana Francés qui ont fait autant pour la résistance que pour l’engagement féministe de l’Espagne d’alors, auprès d’Esther Ferrer dont est projetée la vidéo ”L’étrangeté, le mépris, la douleur et une longue etc.”

Cette exposition retrace au travers de ce nouveau partenariat avec la ville de Saint-Lary, si proche de la frontière ibérique, toute l’âme espagnole qui se trouve magnifiée par une sensualité sereine et grave à la fois.