Le Nouveau Printemps

Festival de création contemporaine

Le Nouveau Printemps est un festival de création contemporaine pensé avec un ou une artiste associé·e pour un quartier de Toulouse : une équation à deux paramètres pour une infinité de possibilités. Édition imaginée par matali crasset

Pour la première édition, inviter matali crasset à poser un regard singulier sur le quartier de Saint-Cyprien, sur la rive gauche de la Garonne fut une évidence. Créatrice multiple, elle développe une approche à la croisée de l’artistique et de l’anthropologique et s’interroge depuis trente ans sur la notion d’habiter et de territoire. Qu’est-ce que faire territoire, notamment dans un milieu urbain où, à l’horizon 2050, les deux tiers de l’humanité résideront ?

En étroite collaboration avec une trentaine d’artistes de différentes générations et disciplines, dont plusieurs compagnons de route de matali crasset, mais aussi avec des penseurs et de nombreux acteurs de la société civile (lycéen·e·s, étudiant·e·s, apprenti·e·s, artisans, associations, etc.), le festival explore cette année une question devenue centrale dans notre époque largement citadine : les liens entre culture et culture du vivant. Différentes approches se dessinent au fil du parcours : des récits réapparaissent, ceux de défricheurs dont l'œuvre de toute une vie témoigne d’une relation profonde au vivant, et d’autres apparaissent, tentant de s’émanciper des conceptions productivistes et patriarcales.

Avec ses expositions, ses rencontres, ses installations dans l’espace public et ses concerts, cette édition est autant une invitation à la réflexion sur la construction d’une société en harmonie avec le vivant qu’une incitation à l’action.

Le premier étage des Abattoirs accueille sept monographies réunies en deux séquences d’exposition. En coproduction avec Les Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse.
____________

matali crasset à propos des artistes invités
Marinette Cueco, Cornelia Hesse-Honegger et Claudine Monchaussé :

"Cette exposition réunit le travail singulier de trois artistes femmes dont l’œuvre me semble essentielle dans notre désordre actuel. Ce sont trois artistes avec lesquelles je chemine et qui m’accompagnent dans mes questionnements. Ces femmes, dont les œuvres ont éclos et se sont épanouies à l’ombre du monde de l’art, travaillent au corps à corps avec leur milieu depuis plus de trente ou quarante ans. Elles sont précurseurs dans leur relation au vivant et leurs expositions constituent un faisceau de transmission pour les nouvelles générations d’artistes engagées qui se rapprochent des éléments. Ces expositions contribuent à fabriquer de nouveaux récits et nous invitent à nous débarrasser des classifications du vivant basés, depuis Aristote, sur la suprématie de l’humain."

Raisa Aid, Popline Fichot et Juli Susin

"J’ai rencontré Juli Susin en 1989 alors qu’il était étudiant apatride à l’école des Beaux-Arts de Paris. J’ai ainsi collaboré de près ou de loin à des projets portés par des collectifs ou des labels auxquels il appartenait - la fabrique des illusions, Cosa nostra experimentale, silverbridge, Royal Book Lodge… - confidentiels et indépendants. Je me souviens ainsi d’une pêche à la bonde en 2000 au Château de la Lorrière dans l’Orne, ou plus récemment, d’un film expérimental Voyage en uchronie, salvatico è colui che si salva et d’un livre…Juli Susin a repris ce mode opératoire et invite Raisa Aid et Popline Fichot à collaborer. Le projet s’hybride donc et tisse ces liens. Les pratiques artistiques de Raisa Aid, Popline Fichot et Juli Susin ont en commun le questionnement de la transformation de notre perception du monde et du vivant, sous l'effet des récentes évolutions des technologies vers une sorte de mythologie métaphysique, et de ses implications dans ce que l'on pourrait appeler la remise en question du seuil absolu entre la matière vivante et la matière morte."

Claudine Monchaussé

Biographie

En 1959, Claudine Monchaussé s’installe à La Borne, village de tradition potière. Depuis, elle travaille à une recherche personnelle et intime de sculptures monolithes dont les effets de matières sont spécifiques aux cuissons de grès des fours à bois. Elle cultive sa propre mythologie et convoque dans ses œuvres des symboles de maternité et de fertilité. Ses œuvres telluriques tiennent une place confidentielle dans le monde, l’artiste ayant fait le choix pendant quarante ans d’une diffusion directe.

Je veux aller au plus près de moi et au plus près du monde.
Claudine Monchaussé, Atelier, ESC025, une monographie éditée aux Éditions Sylvain Courbois, 2022.

"J’aime les sculptures de Claudine car elles me font du bien, elle me répare. Dans un entretien en 2018, Claudine m’avait confié : “J’ai toujours fait des pièces pour ne pas avoir à parler”. Le travail de Claudine Monchaussé s’ancre dans un autre écosystème : celui de La Borne connu depuis Jeanne Talbot pour sa terre et le renouveau des années 50 en faisant un village unique au monde de potiers. Claudine y vit mais travaille dans ce territoire de manière libre et indépendante. Claudine va vers la terre pour nous permettre de redevenir sensible, pour permettre d’observer un primordial que nous avons oublié. Claudine va vers le feu pour nous rappeler que nous avons un moment choisi de ne pas suivre nos instincts de survie, pour le domestiquer et c’est en autre pour cela que nous sommes devenus homme. Tout comme les statues-menhirs issues du Musée Fenaille qui seront esquissées à côté des sculptures, les œuvres de Claudine sont pour nous des présences bienveillantes."

matali crasset

La scénographie est imaginée par matali crasset et met en regard les œuvres de Claudine Monchaussé et les statues-menhirs du Musée Fenaille.

Avec la collaboration du Musée Fenaille de Rodez

Marinette Cueco 

Biographie

Marinette Cueco développe depuis les années 1970 un travail sculptural dont les matériaux principaux sont issus de la nature, qu’ils soient végétaux ou minéraux. Son œuvre s’inscrit dans une culture où le rapport à la nature s’envisage d’abord comme une forme de collaboration, dans un respect mutuel.

"Je ne jette rien : entre le sauvetage et l’épargne. C’est un relent de culture paysanne : donner une fonction à la moindre chose, généralement négligée, transformer même les déchets. Et puis, il y a les obsessions hivernales : la peur du froid, du mouvement, du dehors, la vie au ralenti, l’enfermement, l’engourdissement. Alors je répète des gestes obsessionnels : le tressage, l’enroulement, l’accumulation, la tresse, la tresse mise en pelote."

Extrait de Marinette Cueco, Pierre Vannier, Hivernages, cat. exp. l’ARC, Le Creusot, 1991.

"Marinette Cueco est une artiste et non moins une botaniste amateur érudite. Elle connaît aussi bien les noms scientifiques des plantes que leurs noms vernaculaires et décrit sa pratique comme une continuité de la culture paysanne. Son terrain est la Corrèze. C’est par la déambulation, l’observation d’un territoire et par la marche que Marinette Cueco en a extrait son matériau de prédilection : le végétal. Elle connaît de manière intime ce territoire, tout comme les coins à champignons qu’elle garde secret. Pour chaque plante, elle connaît l’endroit de la cueillette, comment la sécher et surtout comment l’intégrer en convoquant le sensible à ses recherches plastiques. Ceci, en prenant soin d’utiliser de manière complète la plante, de la tige aux feuilles, des bourgeons aux pistils, des pétales aux étamines et de ne rien jeter… Ses œuvres sont à la fois d’une apparente fragilité mais aussi d’une grande expertise, elle montre qu’une autre relation à la matière végétale est possible. Pour se reconfigurer, certains vont chercher chez les communautés très reculées qui ont refusé le développement. Marinette est là ; tout près de nous, à portée du regard."

matali crasset

L'exposition aux Abattoirs est axée sur les entrelacs, des compositions géométriques quasi concrètes ou abstraites réalisées à partir de joncs séchés.

Cornelia Hesse-Honegger 

Biographie

Née en 1944 à Zurich, en Suisse, Cornelia Hesse-Honegger a travaillé pendant 25 ans comme illustratrice scientifique pour le Musée d’histoire naturelle de l’Université de Zurich. Ses aquarelles sont exposées à travers le monde dans des musées et des galeries. Sa pratique est à la croisée de l’art et de la science et de l’engagement anti-nucléaire.

"Depuis plus de trente ans, l’artiste suisse Cornelia Hesse-Honegger sillonne les environs des centrales nucléaires du monde entier afin d’observer et de documenter les conséquences des “faibles” radiations mais aussi des catastrophes nucléaires comme Tchernobyl ou Fukushima sur la faune et la flore. Héritière des naturalistes, elle étudie des insectes au microscope, inventorie précisément ses prélèvements et réalise
des aquarelles des organismes mutants qu’elle rencontre, ces
freaks issus de la folie humaine. Ses œuvres sont saisissantes, tant par la finesse de leurs traits que par ce qu’elles suggèrent, à savoir que les radiations dites « faibles », celles émises en temps normal par les centrales nucléaires, ont des effets significatifs sur les organismes vivants. La portée de son geste est politique et fait d’elle une lanceuse d’alerte."

matali crasset

L’exposition présente des œuvres issues de quatre zones géographiques : La Hague (France), Three Mile Island (Etats-Unis), Tchernobyl (Ukraine) et Gösgen (Suisse).

Avec le soutien de Pro Helvetia, fondation suisse pour la culture

matali crasset 

Les polypores mangeurs de confort 

"Le cocon légitime une maison qui surprotège et [qui] rend passif (...) Ce repli sur soi, qui est réactivé par l’éco-anxiété, est problématique dans un moment où nous devons ensemble relever nos manches pour envisager d’autres possibles."
matali crasset, entretien, Libération, publié le 10 janvier 2023.

Des polypores géants d’un nouveau genre, les mangeurs de confort poussent sur les façades des maisons. Ils digèrent le confort intérieur pour faire pousser des strates à l’extérieur et constituer peu à peu un abri organique. Ils nous invitent à sortir de notre cocon, à retrouver des activités extérieures, à cohabiter avec le vivant, à recréer du commun.

Un projet qui questionne le confort qui en devenant un idéal absolu, nous enferme dans un cocon sur-protecteur qui nous coupe du monde extérieur et de nous-mêmes.

Cette exposition présente un ensemble de Naturalia issu de la Donation Daniel Cordier dans les collections du Centre Pompidou Musée national d'art moderne, en dépôt aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse.

Juli Susin 

Avec Raisa Aid et Jeanne Susin

Chronos-Swimmer

Biographie

En 1981 Juli Susin (né en 1966) quitte l’Union Soviétique avec sa famille pour s’installer à Berlin, puis les contingences de la situation d’apatride l’amènent en France où il sera diplômé de l’École des Beaux-Arts de Paris en 1991. À partir des années 1980, il développe avec des amis un réseau international de collaborations autour du livre d’Artiste, plus récemment connu sous le nom de Royal Book Lodge. Il vit et travaille entre Montreuil et Albisola (Italie), dans l’atelier de céramique fondé par Ivos Pacetti.

Chronos-Swimmer enquête sur l'énigme de la régénération dans un écosystème instable où les règles liant le temps et l'espace sont rompues, vécue à travers l’expérience de l'émigration.

L'installation se compose de deux espaces perméables : le domaine objectif de la salle d'exposition et la dimension virtuelle qui permet d'accéder au réservoir holographique de la mémoire.

Dans le premier espace est présenté un film réalisé en collaboration avec la·le réalisateur·rice paraguayen·ne Raisa Aid, dans lequel la manipulation de la matière filmique est traitée comme un catalyseur de la mémoire. Le film, tourné en grande partie à Asuncion entre 2010 et 2015, fait référence aux rituels métaphysiques des peuples indigènes du Paraguay, à l'histoire de Capitan Pinturas, une des figures clés de la guerre Chaco devenu un chaman, ainsi qu'aux recherches sur la délocalisation énergétique de la boule de foudre du physicien Piotr Kapitza.

La musique originale du film composée et interprétée par Jeanne Susin, avec les musicien·nes Myrtille Hetzel, Matthieu Camilleri et Timothée Quost, imprime le mou- vement au passage du seuil entre les dimensions à des éléments de tout ordre qui se matérialisent dans « la zone d’embarquement » du deuxième espace. On y trouve des œuvres « composites » avec les céramiques qui fonctionnent comme des « résis- tances de sécurité », accompagnées de photographies et d’objets traversés par une luminescence jaune.

Popline Fichot 

Les Fulgurées 

Biographie

Popline Fichot est née en 1999 à Paris où elle vit. Diplômée de l’école Duperré, son défilé performance Descendantes des sorcières à la Ménagerie de Verre en 2021, lui a donné une première visibilité. Sa pratique pluridisciplinaire l’amène du textile à la sculpture, de la poésie à la performance, du dessin au fanzine, de la céramique à l’étain...

Les foudroyés meurent, les fulgurés survivent, Claire Fercak, Après la foudre

L’installation de Popline Fichot nous plonge au cœur du fétichisme. La série d’oeuvres, composées de sculptures et de photographies, déploie telle des têtes chercheuses le quotidien d’une femme keraunophile. Une obsession qui se manifeste par une quête de plaisir issue de la traversée de l’électricité du dehors à l’intérieur de son corps.

La fulguration est une expérience très puissante : on ressent une euphorie, une énergie extrême et on gagne une puissance de faire. Après une fulguration, on peut même dans certains cas, avoir accès à des souvenirs enfouis, des bribes d’instants lointains, inatteignables habituellement. Elle imagine un dispositif de « fulguration » destiné aux relations amoureuses d’un nouveau type. Un point de rencontre pour des expériences sensuelles et sexuelles imaginées afin d’assouvir des « pulsions orageuses » partagé·e·s.

Avec la collaboration de M l’école de Missègle (Burlats, Tarn) et le mécénat de l’Atelier Missègle. La structure en métal est réalisée par de l’Atelier Dauphin, Alexis Randon.

Raisa Aid

25°36'10.5''S 57°34'48.0

Biographie

Raisa Aid (1991, Paraguay) vit et travaille à Buenos Aires. Artiste et technicien·ne audiovisuel·le, Iel crée des projets de vidéo-art et de vidéo expérimentale en utilisant des technologies variées, telles que des enregistrements avec des caméras amateurs et l’appropriation 2.0, ainsi que des images fixes qui condensent une partie de ses archives. Son travail aborde des sujets tels que l’érotisme et la sexualité, les modèles de représentation et de performativité, ainsi que la relation entre l’être humain et son environnement, dont les macro et les micro approches, posent un regard techno-poétique en dialogue, une tentative de symbiose entre les outils technologiques et la nature. Adhérant à la création collaborative, iel travaille en tant que créateur·rice de sets visuels pour des artistes sonores, et fait partie des collectifs VETA et Oil Productions (AR). Depuis 2010, Raisa collabore avec Juli Susin (Royal Book Lodge).

La biodiversité des oiseaux du Sud de l'Amérique se déplace, à la recherche de territoires habitables en raison de l'impact environnemental causé par l'humanité. La technologie telle que nous la connaissons aujourd'hui est incompatible avec la protection de l'environnement, l'un progressant, l'autre régressant.
À l'intersection de l'informatique et de la formation des bioénergies, cette oeuvre examine la confusion trans-générique entre organique et inorganique.

Ce travail est une collaboration avec l'artiste sonore Maria Emilia Perez (Vermillion Project) dans le cadre de VETA, un projet collectif.