2008 : une année Saura : transformations et superpositions
En cette année 2008, cinq expositions vont se succéder pour rendre hommage à Antonio SAURA (1930-1998) : cinq angles d’attaques différents pour aborder dans la même salle du Musée, une phase méconnue de ses démarches inattendues.
2008, une année SAURA
- tauromachie
- erotica
- transformations et superpositions, 30 juin - 14 septembre 2008
- SAURA illustrateur
- Pinocchio
Avec le concours de la fondation archives antonio saura
Les Abattoirs présentent une suite de cinq expositions pour rendre hommage à l’un des grands peintres du XXe siècle, Antonio SAURA (1930-1998) : cinq angles d’attaque pour aborder tous les deux mois, dans la même salle du musée, une phase méconnue de ses démarches inattendues.
À la énième rétrospective qui viendrait consacrer l’impertinence passionnée de l’auteur, nous avons préféré susciter la curiosité du public pour les recherches multiples et renouvelées de l’artiste, qui nous conduit ainsi au plus près de l’acte de création. Les sujets de chacune des expositions conjuguent souvent les motifs des grands thèmes connus du corpus sauresque (Foules, Crucifixions, Curés, Chiens de Goya, Dames et autres Portraits imaginaires…) ; ils activent aussi des procédures techniques, quasi thématiques (collages, accumulations, superpositions, répétitions, montages…), qui engendrent autant de métamorphoses et de transformations.
La suite de nos cinq expositions n’offre qu’une vision partielle, quoique originale, de l’œuvre abondante d’Antonio SAURA. Mais par le biais de ces thèmes et de ces séries, nous pénétrons dans le labyrinthe intime, dans le théâtre vivant de l’artiste.
Alain Mousseigne
Les éditions 5 Continents et la fondation archives antonio SAURA publient conjointement 3 ouvrages :
- tauromachie (jean bescós, marcel cohen, antonio SAURA)
- erotica (antonio SAURA, jacques henric)
- contre guernica (antonio SAURA, préface félix de azúa)
Du 30 juin au 14 septembre 2008
transformations et superpositions
POST-CARD
() Dans le quotidien et constant bombardement de particules, un minuscule univers, très différent du vaste ensemble des images multipliées, offre un intérêt particulier pour l’auteur. Les rectangles standardisés des cartes postales facilitent l’intime union entre le message et l’image - le simple geste de l’envoi étant une marque d’affection. La facilité offerte au texte bref et stéréotypé - due sans doute à ce que l’image constitue une part essentielle du message - , sa contexture physique même, la facilité avec laquelle on peut l’expédier, sa prodigalité et sa couleur artificielle, sa miniaturisation et sa conservation tentatrice les transforment - affiches éphémères et documents graphiques empruntés à la presse - en un matériel plastique aux caractéristiques précises qui conditionnent irrémédiablement le processus de sa transformation. Scandaleusement belles ou stupidement tentatrices, leur présence provoque le désir d’intervenir, altérant gravement sa physionomie ou rendant l’absurde manifeste ou le quotidien mystérieux qu’elles renferment.
Dans ce cas, la transformation de l’objet ainsi trouvé - ni création, ni destruction - impose, comme complément d’une action déjà décrite dans d’autres notes en termes de violation plastique où l’image du support finit par affleurer et conditionner le résultat, la nécessité de son minuscule isolement, du complément éclaircisseur et de l’association avec d’autres images de format identique.
Les mystérieuses associations entre résultats divers créent des phénomènes d’analogie et de métamorphose, y compris d’ébauches de paraboles morales qui contraignent à un type de lecture immédiate en relation avec des formes narratives purement visuelles où l’amorphe et l’explicite se mêlent et se confondent. Cet enchaînement d’images opposées qui éclairent des situations ou créent des climats perturbateurs - souvent inespérés y compris pour l’auteur - obéit à des processus associatifs qui ne sont pas si éloignés du célèbre mariage entre une machine à coudre et un parapluie.
L’œil qui saute vertigineusement d’image en image sur la table immaculée ne fait rien d’autre que de recréer, en un instant, et à l’opposé d’un art d’inhibition soutenu par le seul concept, des parcelles de fausse réalité - aussi vraies que la vérité - où le miracle et la catastrophe sont tous les deux possibles.
Antonio SAURA
Note Book (Memoria del tiempo, libreria Yerba, Murcia, 1992)
VF : édition de la Différence - Paris 1994
Biographie d'Antonio SAURA
Naît à Huesca en 1930 et meurt à Cuenca en 1998.
Commence à peindre et à écrire en 1947, alors qu’il est atteint par la tuberculose et immobilisé depuis cinq ans. Premières recherches et premières expériences picturales. Revendique l’influence de Arp et de Tanguy, se distingue déjà par un style très personnel, crée de nombreux dessins et peintures de caractère onirique et surréaliste, qui représentent le plus souvent des paysages imaginaires pour lesquels il utilise une matière plate, lisse et riche en couleur.
Premier séjour à Paris en 1952. Deuxième séjour à Paris en 1954 et en 1955, à l’occasion duquel il rencontre Benjamin Péret et fréquente les surréalistes qu’il quittera bientôt en compagnie de son ami le peintre Simon HANTAÏ. Utilise alors la technique du grattage, adopte un style gestuel et une peinture totalement abstraite, toujours colorée, de conception organique et aléatoire. Commence à peindre en occupant l’espace de la toile de plusieurs manières très distinctes, en créant des structures formelles qui lui sont tout à fait propres et qu’il ne cessera ensuite de développer. Premières apparitions de formes qui deviennent bientôt des archétypes du corps de la femme ou de la figure humaine. Ces deux thèmes fondamentaux occuperont l’essentiel de son œuvre.
Dès 1956, SAURA entreprend le registre de ses grandes séries, Dames, Nus, Autoportraits, Suaires, Crucifixions qu’il peint tant sur toile que sur papier. Fonde le groupe El Paso en 1957 qu’il dirige jusqu’à sa dissolution en 1960. Rencontre avec Michel Tapié. Première exposition individuelle chez Rodolphe STADLER à Paris, chez qui il exposera régulièrement sa vie durant, et qui l’introduira auprès d’Otto van de Loo à Munich et de Pierre Matisse à New York qui l’exposeront et le représenteront également. Limite alors sa palette aux noirs, aux gris et aux bruns. Affirme un style propre et indépendant des mouvements et des tendances de sa génération. Son œuvre s’inscrit dans la lignée de Vélasquez et de Goya. Entre bientôt dans les principales institutions muséales. Dès 1959, est l’auteur d’un œuvre imprimé prolifique et illustre de manière originale de nombreux ouvrages tels que Don Quijote de Cervantes, 1984 de Orwell, Pinocho dans l’adaptation de Nöstlinger, Journal de Kafka, Trois visions de Quevedo, et bien d’autres.
En 1960, commence à sculpter et crée des œuvres composées d’éléments de métal soudés représentant la figure humaine, des personnages et des crucifixions. En 1967, s’installe définitivement à Paris, s’engage dans l’opposition à la dictature franquiste et participe à de nombreux débats et polémiques dans les champs de la politique, de l’esthétique et de la création artistique. Amplifie son registre thématique et pictural. Apparaissent, avec les séries des Femme-fauteuil, des Portrait imaginaire, des Chien de Goya et des Portrait imaginaire de Goya. En 1971, abandonne la peinture sur toile qu’il reprendra en 1979 pour se consacrer à l’écriture, au dessin ainsi qu’à la peinture sur papier. Dès 1977, entreprend la publication de ses écrits, réalise plusieurs scénographies pour le théâtre, le ballet et l’opéra.
De 1983 à sa mort prématurée, reprend et développe magistralement l’ensemble de ses thèmes et figures, et produit peut-être le meilleur de son œuvre.