Néo-Cugnaux II, Découvreurs-Inventeurs

L’exposition Néo-Cugnaux I qui s’est déroulée à l’automne 2010, livrait pour la première fois au public 65 ans de recherches archéologiques. C’est cet héritage historique et culturel qui a déterminé l’axe de la programmation, pour opérer un voyage dans le temps, entre préhistoire et monde contemporain, comme un stimulant pour l’avenir, pour de nouvelles constructions, de nouvelles quêtes.

Arcangelo, Marcel Broodthaers, Sophie Dubosc, Guy Ferrer, Mimmo Paladino, Claudio Parmiggiani, Anne et Patrick Poirier, Patrick Raynaud, Ousmane Sow, Antoni Tàpies

Exposition organisée par la Ville de Cugnaux - Service Culture en partenariat avec les Abattoirs, Toulouse

Faisant écho à l'exposition archéologique précédente sur les "Premiers paysans en vallée de Garonne, il y a 6 500 ans", Néo-Cugnaux II réunit des oeuvres de la collection du Frac Midi-Pyrénées- les Abattoirs d'artistes majeurs de l'art contemporain qui évoquent de façon explicite un lien avec les civilisations anciennes ou qui tentent de percer le mystère des origines.

Néo-Cugnaux I Premiers paysans en vallée de Garonne il y a 6500 ans, l'exposition archéologique qui s'est déroulée à Cugnaux à l'automne 2010, restituait pour la première fois au public 65 ans de recherches archéologiques d'un site réputé majeur du néolithique. Il s'agissait de mettre en partage la connaissance d'une histoire locale et ainsi de la relier à une histoire régionale qui a toujours été à la pointe en matière de préhistoire.
En effet, Toulouse a joué un rôle de tout premier plan dans la "fabrication" de la Préhistoire. Jean Guilaine, professeur au Collège de France, rappelle, dans la préface de l'exposition "Préhistoires" inaugurée en octobre 2010 au Muséum de Toulouse, que c'est à Toulouse "que se sont levés des chercheurs indépendants qui ont pris leur distance avec l'idéologie dominante et, à partir d'observations empiriques, ont révolutionné la façon de penser nos origines, forçant ainsi les portes de la modernité".

En 1885, Emile Cartailhac, qui enseigne l'archéologie préhistorique à la Faculté des Sciences de Toulouse, ouvre la première galerie de préhistoire d'un musée au Muséum d'histoire naturelle de Toulouse. Mais il faudra pourtant attendre 1956 pour une reconnaissance institutionnelle de la discipline avec la création de la première chaire de Préhistoire en France à Toulouse.

La découverte du site Villeneuve-Tolosane/Cugnaux en 1945 par Louis Méroc et toutes les recherches et analyses qui vont suivre constituent une révolution dans la connaissance du Néolithique dans le sud-ouest de la France, connaissance qui était alors réduite aux grottes des Pyrénées et ignorait l'existence de villages structurés.

C'est cet héritage historique et culturel, local et régional qui a déterminé l'axe de programmation de l'espace Paul Éluard de Cugnaux pour opérer une remontée dans le temps, entre préhistoire et époque contemporaine, non pas dans une approche nostalgique façon voyageur romantique du XIXe siècle rêvant au milieu des ruines, mais comme un stimulant pour l'avenir, pour de nouvelles constructions, de nouveaux chantiers, de nouvelles quêtes. Néo pour "Néolithique" certes, mais aussi Néo pour
Nouveau, les découvreurs sont aussi des inventeurs.

D'où vient l'homme ? Qui est-il ? Pourquoi change-t-il ? L'archéologie, science de l'exploration du passé, en fouillant, en exhumant, en collectant et en analysant les traces matérielles du passé tente de répondre à ces grandes interrogations. Les grandes ruptures de l'histoire de l'art survenues au début du XXe siècle ont contribué également à faire évoluer les modes de pensée et de perception du monde. En pratiquant la citation ou en créant de nouvelles formes, de nouveaux effets, de nouveaux concepts, les artistes nous invitent à découvrir, à penser, à tenter de résoudre ces questions de l'origine.

Le choix des oeuvres dans le Fonds régional d'art contemporain de Midi-Pyrénées et de la collection du Musée des Abattoirs de Toulouse a été régi par cette double approche artistique et archéologique, mêlant esthétiques, techniques, points de vue de quelques artistes représentatifs de la seconde moitié du XXe siècle qui ont tous
engagé une réflexion sur le passage de l'homme et sur le temps.

Un ensemble d'oeuvres singulières qui ne peuvent être réduites à une lecture unique : de l'expressivité de la matière qui révèle un monde sensible, entre enfouissement et exhumation, entre apparition et disparition (Tàpies, Arcangelo), du signe figuratif à la référence directe, de l'empreinte à l'évocation nostalgique (Paladino, Parmiggiani, Ferrer, Poirier), des formes archaïques et de leurs forces telluriques au pastiche, à la distanciation (Sow, Dubosc, Raynaud), les oeuvres de ces artistes ont en commun une importante charge poétique, fonctionnent comme cette machine à poèmes (Broodthaers) ouverte comme un trésor découvert encore indéchiffrable.

À cette occasion, il a été fait appel à un jeune collectif d'artistes designers, Module Ranch, qui réalisera une intervention graphique sur la façade de l'Espace Paul Éluard en utilisant l'image banale des crampons de boots pour évoquer la fouille archéologique, la quête et la création.

Emmanuelle Hamon