Carlos Aires, "Sweet Dreams (are made of this)", 2016

¡Dulces Sueños!

Artistes de la scène contemporaine espagnole

En écho à l’œuvre de Goya, Le sommeil de la raison engendre des monstres (1799) et celle de Picasso, Songe et mensonge de Franco (1937), l’exposition ¡Dulces Sueños! met l’accent sur la scène contemporaine espagnole avec une dizaine d’artistes de la jeune génération, natifs ou originaires d’Amérique latine, dont les œuvres sont marquées par l’engagement.

"Le sommeil de la raison engendre des monstres" (El sueño de la razon produce monstruos) : à la fin du XVIIIe siècle, l’artiste espagnol Francisco de Goya donne ce titre à une gravure devenue l’une des plus célèbres du siècle des Lumières. Les songes de l’artiste endormi y sont envahis d’inquiétantes créatures, dont l’origine est laissée à notre appréciation : sont-elles engendrées par l’étrangeté inquiétante habituelle aux rêves ou par cette prescience de l’artiste qui entrevoit les monstruosités sociales, politiques et humaines à venir ?

En 1936, Goya est une inspiration pour Picasso lorsqu’il grave lui aussi l’histoire surréaliste des "Songe et mensonge de Franco" (Sueño y mentira de Franco). Cette série graphique est présentée de nouveau en 1976, trois ans après la mort de Picasso et un an après celle de Franco, à la Biennale de Venise, où des artistes et des intellectuels espagnols organisent l’exposition España, vanguardia artística y realidad social ("Espagne, avant-garde artistique et réalité sociale"), premier événement officiel artistique libre et antifranquiste depuis le Pavillon républicain espagnol à l’Exposition internationale de Paris en 1937. C’est dans ces mêmes années que surgit l’effervescente "Movida", mouvement de liberté et de transgression, qui s'illustre dans la musique, le cinéma, la photographie et la peinture, façonnant une scène espagnole qui s’écrit désormais à la fois sous une forme festive, expressive et provoquante tout en conservant aussi une part conceptuelle, politique et engagée.

L’origine du titre de l'exposition est elle-même historique et actuelle : l’exposition s’ouvre sur une vidéo de Carlos Aires, un étonnant tango, danse argentine de l’exil, interprété dans un décor historique baroque par deux policiers casqués en tenue de combat, au son de Sweet Dreams ("Dulces Sueños") de Eurythmics.

Sur cet air entraînant et doux-amer, la joie mélancolique de la musique, l’histoire et l’interdit se rencontrent. En effet, en Espagne, il est toujours interdit de photographier des policiers.

La dizaine d’artistes présentés questionnent aujourd’hui encore l’histoire espagnole ressurgit dans la société, alors que les débats mémoriaux sur la guerre civile continuent de marquer l’actualité, que ce soit celle de Franco ou de l’identité oubliée des morts anonymes de la guerre. Plus largement, ces artistes interrogent aussi les résurgences de l’histoire postcoloniale et les défis de l'histoire mondiale, celle qui fait que l’on a choisi, ou que l’on choisit encore d’exploiter l’autre, économiquement, culturellement, sexuellement ou politiquement. A quand des "doux rêves" (Dulces Sueños) devenus réalités ?

L’exposition ¡Dulces Sueños! conçue par les Abattoirs bénéficie de l’expertise de Manuel Segade, commissaire d’exposition, directeur du Centro de Arte Dos de Mayo (CA2M) à Madrid et de Marta Gili, critique d’art et commissaire d’exposition, ancienne directrice du Jeu de Paume (Paris), pour l’œuvre de Jordi Colomer.

Plusieurs de ces artistes et d’autres de la scène espagnole sont également présents dans le programme d’exposition "Je suis né étranger" conçu par les Abattoirs pour l’ensemble de la Région Occitanie.

Artistes présentés :
- Pilar Albarracín (née à Séville en 1968, vit à Madrid)
- Carlos Aires (né à Ronda en 1974, vit à Madrid)
- Juan Carlos Batista (né en 1960, vit dans les îles Canaries)
- Daniel García Andújar (né à Almoradí en 1966, vit à Barcelone)
- Jordi Colomer (né à Barcelone en 1962, vit à Barcelone et Paris)
- Democracia (équipe de travail espagnole 2006, Madrid)
- Esther Ferrer (née à Saint-Sébastien en 1937, vit à Paris)
- Dora García (née à Valladolid en 1965, vit à Barcelone)
- Núria Güell (née à Vidreras en 1981, vit à Vidreras)
- Glenda León (née à La Havane en 1976, vit à La Havane et Madrid)
- Daniela Ortiz (née à Cuzco en 1985, vit à Barcelone)
- Pedro G. Romero (né à Aracena en 1964, vit à Séville)
- Oriol Vilanova (né à Manresa en 1980, vit à Bruxelles)

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