Cycle Remake
La Cinémathèque aux Abattoirs
Retour en six duos / duels de films sur une pratique du cinéma qui oscille entre le meilleur et le pire. Refaire. Parce que l’on juge l’original raté, pas complètement abouti au regard de son potentiel scénaristique. Comme un roman de gare peut donner un très bon film quand un chef-d’œuvre de la littérature donne généralement un film médiocre ou, au mieux, ampoulé. Alors, pourquoi ne pas refaire un film mineur avec des moyens et une ambition artistique plus conséquents ? Refaire, encore. Pour faire un coup à visée mercantile. Reprendre une formule scénaristique qui a fait ses preuves et la reproduire en l’adaptant aux goûts du jour ou/et de son public.
Dans l’art de la reproduction, qui est une véritable obsession du cinéma, il n’y a qu’une seule règle : on ne refait pas un chef-d’œuvre. On le copie plus ou moins adroitement, c’est la loi de l’exploitation, mais on ne remake pas un chef-d’œuvre. Et comme toute règle qui se respecte, celle-ci sera bien entendu transgressée. Mais nous ne sommes pas là pour faire un tour exhaustif du remake dans tous ses états et sous toutes ses formes, clamées ou tues. À vrai dire, proposer un cycle consacré au remake tient même plutôt de la gageure. Est-ce bien raisonnable de présenter un film original et son remake dans un court laps de temps ? Le public aura-t-il envie de regarder coup sur coup deux films qui ont une même trame ? Qui cela peut intéresser à part des chercheurs et des étudiants en cinéma ?...
Mais après tout, peu importe. Ce qui nous intéresse ici, c’est que nous sommes dans un musée d’art contemporain et qu’à travers ces quelques duos / duels de films, nous pouvons rapprocher le remake du ready made. De l’art qui n’en serait pas. Où l’œuvre n’est pas unique, mais naît dans la réplique. Comme un miroir est une surface réfléchissante. Ou ce qui fait art, c’est le regard que l’on pose sur un objet qui a priori n’a rien d’artistique. Regarder un film ou un urinoir, c’est pareil. C’est ce que l’on y projette qui compte. Notre jouvence.
Programmation :
Blow Up
Michelangelo Antonioni
1966. UK / It. 111 min. Coul. DCP. VOSTF.
Une brillante réflexion sur ce que nous voyons ou devrions voir. Antonioni arrête le temps, et c’est là que l’intrigue se noue. Quelques heures de la vie d’un photographe de mode londonien qui entrevoit la possibilité d’un meurtre dans une image. Il mène l’enquête. Une œuvre sur la multiplicité des points de vue, sur les apparences et l’illusion du réel. Mais aussi un document sur le Londres des années 1960 où se déroule la révolution des mœurs. Toujours moderne, fascinant et inépuisable. Quinze ans plus tard, le maestro Brian De Palma en donnerait une remarquable variation.
> Samedi 4 octobre à 16h Les Abattoirs
> Dimanche 26 octobre à 16h Les Abattoirs
Blow Out
Brian De Palma
1981. USA. 107 min. Coul. DCP. VOSTF.
L’hommage d’un maestro à un autre. En 1966, dans Blow Up de Michelangelo Antonioni, un photographe pense avoir assisté à un meurtre en découvrant un détail troublant sur l’un de ses clichés. Quinze ans plus tard, dans Blow Out, le photographe est devenu ingénieur du son, et De Palma raccorde le son et l’image sur fond d’assassinat politique. Mouvements complexes d’appareils, travellings circulaires, split screen, montage son exemplaire, et cette mélancolie que l’on ne connaissait pas au cinéaste. Une œuvre jusqu’au-boutiste jusque dans son final aussi traumatique que déchirant.
> Samedi 18 octobre à 18h Les Abattoirs
> Samedi 22 novembre à 18h Les Abattoirs
Yojimbo
Akira Kurosawa
1961. Jap. 110 min. N&b. DCP. VOSTF.
Dans un monde dénué d’honneur, l’histoire d’un samouraï sans maître qui débarque dans un petit village en proie à une lutte sanglante entre deux clans. D’abord, un film de sabre dont Akira Kurosawa maîtrise parfaitement les codes. Ensuite, une déconstruction méticuleuse du genre. L’idéal chevaleresque fait place ici à une ironie mordante. Jalousie, envie, stupidité et cocasses quiproquos. Une démonstration sans faille de l’inutilité des conflits dont Sergio Leone tirera un remarquable remake italien intitulé Pour une poignée de dollars.
> Samedi 27 septembre à 18h Les Abattoirs
> Dimanche 2 novembre à 16h Les Abattoirs
Pour une poignée de dollars
(Per un pugno di dollari)
Sergio Leone
1964. It. / Esp. / RFA. 99 min. Coul. DCP. VOSTF.
Le premier volet de la « trilogie du dollar » de Sergio Leone, mais aussi le remake non avoué, cynique et violent, du Yojimbo d’Akira Kurosawa. Un étranger, vêtu d’un poncho, arrive à dos de mulet dans une petite ville de l’Ouest et s’immisce entre deux bandes rivales. L’interprétation charismatique de Clint Eastwood, la somptueuse musique d’Ennio Morricone et la puissante mise en scène de Sergio Leone (dissimulé ici sous le pseudonyme de Bob Robertson). Le western all’italiana était né. Difficile d’en dire plus si ce n’est qu’on a affaire là à du très grand cinéma populaire.
> Samedi 11 octobre à 18h Les Abattoirs
> Dimanche 9 novembre à 16h Les Abattoirs
La Chienne
Jean Renoir
1931. Fr. 100 min. N&b. DCP.
Legrand, modeste et honnête caissier mal marié, rencontre un beau jour Lulu, fleur de bitume plantée sur le trottoir. Lulu fait le tapin et, pour l’arracher à son souteneur, Legrand l’installe dans un petit meublé. Le début des illusions. « Ni une comédie ni un drame », annonce le prologue. Et pour cause, La Chienne, un film noir tendance noir profond, où tout le monde trompe tout le monde. Le petit bourgeois brimé se transforme en amoureux transi puis en meurtrier et finalement en homme libéré de toute entrave. La morale ne sera pas sauve puisqu’il n’y en a pas.
> Dimanche 28 septembre à 16h Les Abattoirs
> Samedi 8 novembre à 18h Les Abattoirs
La Rue rouge
(Scarlet Street)
Fritz Lang
1945. USA. 102 min. N&b. DCP. VOSTF.
Un modeste caissier, Cross (Edward G. Robinson), peintre à ses heures perdues, porte secours à une jeune femme, Kitty (Joan Bennett), dont il tombe amoureux. C’est le coup de foudre à sens unique. Avec la complicité de son amant Johnny, Kitty manipule Cross, en vendant ses tableaux signés de son propre nom. La version américaine de La Chienne de Jean Renoir. Ou plutôt sa réadaptation (il s’agit, à la base, d’un roman de Georges de La Fouchardière) par Fritz Lang, qui creusait là les thèmes abordés dans son film précédent, La Femme au portrait. Faux-semblant et manipulation, le calvaire d’un meurtrier par un Lang plus pessimiste que jamais.
> Samedi 18 octobre à 16h Les Abattoirs
Les Proies
(The Beguiled)
Don Siegel
1971. USA. 105 min. Coul. DCP. VOSTF.
Durant la guerre de Sécession, un soldat nordiste blessé est recueilli dans un pensionnat sudiste de jeunes filles. Quand un homme use et abuse de son pouvoir de séduction (pour éviter d’être dénoncé) et quand ce même pouvoir finit par se retourner contre lui. Clint Eastwood, objet de toutes les attentions, face à un petit groupe de femmes prêtes à tout. Un huis clos étouffant et baroque dans un Sud poisseux que n’aurait pas renié Tennessee Williams. Ici, c’est la loi du désir qui prime. Un film pétri de désillusions, de fantasmes et de frustrations, constamment sur la corde raide, remis au goût du jour par le remake de Sofia Coppola en 2017.
> Samedi 4 octobre à 18h Les Abattoirs
> Samedi 15 novembre à 16h Les Abattoirs
Les Proies
(The Beguiled)
Sofia Coppola
2017. USA. 93 min. Coul. DCP. VOSTF.
Un thriller entêtant, vénéneux et sensuel ! Le remake des Proies de Don Siegel. Un remake quasi symétrique à l’histoire identique (un soldat nordiste blessé est recueilli dans un pensionnat sudiste de jeunes filles) pour deux films complémentaires. Si le Don Siegel se concentrait sur un homme qui regarde des femmes tout autour de lui, le Sofia Coppola endosse, en revanche, le point de vue des femmes qui observent un homme. Colin Farrell succède à Clint Eastwood et fait face à Nicole Kidman, Kirsten Dunst et Elle Fanning, implacables chasseresses en crinoline.
> Dimanche 19 octobre à 16h Les Abattoirs
> Samedi 22 novembre à 16h Les Abattoirs
Docteur Jerry et Mister Love
(The Nutty Professor)
Jerry Lewis
1963. USA / Fr. 107 min. Coul. DCP. VOSTF.
Quand le timide et disgracieux professeur Kelp avale un élixir de sa préparation qui le transforme en Buddy Love, séduisant crooner. Certainement pas un remake mais une inversion des valeurs particulièrement bienvenue pour une hilarante alternative à L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Car ici la beauté n’est plus synonyme d’intelligence et de vertu mais d’égocentrisme et de machisme. Et au génial Jerry Lewis de se payer la tête de chanteurs séducteurs comme Frank Sinatra, Elvis Presley ou encore Dean Martin qui fut son partenaire pendant plus de quinze ans.
> Dimanche 5 octobre à 16h Les Abattoirs
Docteur Jekyll et Sister Hyde
(Dr Jekyll and Sister Hyde)
Roy Ward Baker
1971. UK. 97 min. Coul. DCP. VOSTF.
Deux éléments historiques de l’histoire britannique, Jack l’Éventreur et les meurtres des résurrectionnistes Burke et Hare, pour une nouvelle variation transgenre du roman de Robert Louis Stevenson, L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Un pari insensé relevé par le scénariste Brian Clemens, créateur de la série Chapeau melon et bottes de cuir, et bien sûr le studio Hammer. Rechercher un élixir miracle et se découvrir femme. Un film fascinant, sexuellement remarquable de bout en bout, ne serait-ce que pour les interprétations de Ralph Bates et Martine Beswick.
> Samedi 25 octobre à 16h Les Abattoirs
Film interdit aux mineurs de moins de 12 ans à sa sortie
Driver
(The Driver)
Walter Hill
1977. USA. 91 min. Coul. DCP. VOSTF.
Parce que Drive de Nicolas Winding Refn lui doit beaucoup, jusqu’au jeu de Ryan Gosling qui emboîte comme son ombre les pas de Ryan O’Neal. Côté Refn, un thriller post-moderne, auréolé d’un Prix de la mise en scène à Cannes. Côté Walter Hill, un polar sec et hiératique qui emprunte beaucoup à Melville avec de vrais morceaux de courses de voitures dedans. Remise à zéro du compte-tours. Car c’est par là que tout a commencé. Alors qu’il est dans le viseur du sadique Détective (les personnages sont nommés par leur fonction), le Chauffeur monte un coup serré avec la Joueuse…
> Samedi 11 octobre à 16h Les Abattoirs
> Samedi 15 novembre à 18h Les Abattoirs
Drive
Nicolas Winding Refn
2011. USA. 100 min. Coul. DCP. VOSTF.
Le chauffeur est un jeune homme solitaire. Il conduit le jour comme cascadeur et le soir comme truand. Il est ultra professionnel, peu bavard et ne prend pas part au crime autrement qu’en conduisant. Et au volant, il est le meilleur ! Avec son deuxième film hollywoodien, Nicolas Winding Refn revisite avec brio le thriller des années 1990, consacré par Michael Mann ou encore William Friedkin, et surtout emprunte beaucoup à Driver de Walter Hill. Mieux, puisque cette balade crépusculaire, électrique et romanesque le réinterprète avec une classe infinie, tout en révélant tout le charisme de Ryan Gosling.
> Samedi 25 octobre à 18h Les Abattoirs
> Dimanche 23 novembre à 16h Les Abattoirs
Film interdit aux mineurs de moins de 12 ans à sa sortie