Georges Rousse, "Toulouse, les abattoirs", 1996, photogr. NB sur papier Kodak, 124,5 x 159 cm, collection les Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse © Adagp, Paris, 2022 ; photogr. André Morin

Georges Rousse : Anamorphoses

Les œuvres de Georges Rousse sont présentes dans les collections des Abattoirs dès l’ouverture du musée en 2000, qui comportent alors 2000 œuvres, elles en comptent aujourd’hui 3900. À cette époque, l’ensemble dans lequel Georges Rousse est intègré couvre la seconde moitié́ du XX° siècle à travers de nombreux courants artistiques nés après la Seconde Guerre mondiale. La politique d’acquisition d’alors affirme clairement des tendances informelles et expressionnistes. La présence de nombreux artistes espagnols et italiens témoigne d’un axe artistique méditerranéen fort. 

L’entrée des œuvres de Georges Rousse dans les collections illustre pleinement la richesse de la provenance des œuvres : la série des « Sans titre » commandée par le musée des Augustins en 1983 et donnée à ce même musée en 1990. NYX est acquise par le Frac en 1993, Toulouse les Abattoirs est achetée à l’artiste en 2001 et enfin Sans titre, 1985 réalisé à  Belfort est déposé aux abattoirs par un collectionneur privé en 2020. Il vient compléter l’ensemble déjà constitué dans la collection. Cette ensemble est entièrement rassemblé pour la première fois en région à Murat-sur-Vèbre. 

Georges Rousse est assurément photographe, ce que révèle la qualité intrinsèque de ses images dont il assure lui-même la prise de vue, le cadrage, la lumière. Mais il est aussi, tout autant, peintre, sculpteur, architecte dans le même rapport avec les espaces réels qu'un peintre avec la toile, un sculpteur avec la matière, ou un architecte face à ses plans. 

Son matériau premier est l'espace. L'espace de bâtiments abandonnés où il repère immédiatement un « fragment » pour sa qualité architectonique, sa lumière, puis qu'il organise et met en scène dans le but de créer une image photographique. À partir de la vision de l'objectif, il construit dans ces lieux du vide une œuvre utopique, y projetant sa vision du monde, son « univers » mental, croisant des préoccupations plastiques en résonance avec le lieu, son histoire, la culture du pays où l’artiste intervient. Au cœur du questionnement sur la nature de l'œuvre d'art, son travail concerne fondamentalement notre rapport à l'espace et au temps. Au-delà d'un simple jeu visuel, cette fusion énigmatique des espaces dans l'image met en abyme de façon vertigineuse la question de la reproduction du réel par la photographie, de l'écart entre perception et réalité, entre imaginaire et réel.

 

Georges Rousse élabore ses œuvres selon un processus bien particulier. Il l’explique ainsi : 

« Je fais appel à de nombreuses pratiques artistiques : je suis dessinateur du projet, peintre dans le lieu, architecte par mon interprétation de l'espace et la construction que j'y organise, enfin photographe pour rassembler toutes ces actions ». 

 

L'artiste joue avec l’espace dans lequel il installe son travail, dans le but de créer une illusion, par un jeu d'optique appelé anamorphose. Son travail est réalisé́ en deux temps : 

• Premier temps : 

Georges Rousse investit des lieux abandonnés qu'il affectionne pour les transformer en espace pictural et y construire une œuvre éphémère unique. Il est conscient que l’histoire du lieu lui échappe en grande partie, mais en le choisissant, l'artiste révèle sa mémoire archéologique. Par ce choix d’investir des espaces délaissés ou qui sont sur le point d’être détruits, l’artiste met en évidence une métaphore du temps qui passe. Après avoir choisi l’espace, Georges Rousse entreprend la réalisation du volume permettant l'effet d'illusion, en utilisant des figures anamorphosées . Il peut s'agir de dessin, de peinture ou de construction. Les formes dessinées sont projetées dans l’obscurité par le biais d'une projection diapositive permettant ainsi la prise des repères. 

Second temps : 

Lorsque le travail est achevé, l'artiste installe une chambre photographique pour fixer l’espace ainsi transformé. Georges Rousse capte l'image en plaçant son appareil au seul point de vue où celle-ci est visible sans déformation. Les œuvres de Georges Rousse jouent avec la question du point de vue photographique. Au tirage sur le papier, la figure apparaît dans toute sa plénitude. L'artiste réalise des tirages cibachromes conférant de grandes qualités d'archivage et de conservation à ces images. 

 

À première vue ses photographies semblent nous piéger, elles créent une illusion. Les images en trompe-l’œil de Georges Rousse sont exposées en grand format, de sorte que le spectateur puisse se projeter à l'intérieur de la photo.