Thu Van Tran, Écrire et autres Éclats

Une proposition faite par Thu Van Tran pour la médiathèque des Abattoirs dans laquelle les œuvres s’insinuent subtilement au plus profond de la nature même du lieu. Des œuvres qui constituent autant de traductions plastiques possibles du livre, du mot et de l’écriture. L’expérience de la lumière et de sa trace est aussi un enjeu de cette exposition pour laquelle l’artiste se joue de plusieurs temporalités.

"Il doit y avoir pour moi un sentiment de jouissance lorsque l'on expose l'écrit, quelque chose qui rejoint l'expérience du regard, un espace fragile et puissant en même temps", confie Thu Van Tran au sujet du travail qu'elle a développé ces dernières années autour de la littérature.

C'est à partir de ses conversations que l'artiste – présente dans la collection des Abattoirs – a été invitée à investir la médiathèque des Abattoirs pour une exposition qui, à la manière de ses photogrammes (Nous vivons dans l'éclat) se déroule dans le temps d'un ensoleillement et d'une disparition.

Matérialiser l'écriture est un enjeu récurrent de l’œuvre de Thu Van Tran, cet enjeu se retrouve dans l'exposition "Écrire et autres Éclats" aux Abattoirs. Fernando Pessoa, Joseph Conrad ou Marguerite Duras (à qui elle consacra une exposition avec Jean-Max Colard) figurent parmi les "collaborateurs" réguliers de son œuvre. Leurs récits, intenses du sentiment de dépeuplement, se déploient en présence, dans des recherches sculpturales ou sous forme de transcription sémantique.

C'est ainsi que la fulgurante éruption du Mont Pelée, que très peu de photographies auront pu saisir, devient le commencement d'une digression inattendue, à la façon de W.G. Sebald, qui reliera le vécu de Joseph Conrad à une histoire coloniale en marche dès le début du 19ème siècle.

En effet le travail de Thu Van Tran, se situe dans une lecture post-coloniale des faits, il aborde aussi les mutations de la nature induite par des rapports de dominations économiques et culturelles au cours de notre monde moderne. L'écriture est pour l'artiste une forme de déliage. La traduction subjective qu'elle propose du roman de Conrad renonce à la forme passée du texte pour se transcrire et s'inscrire au présent.

Digression autour du Mont Pelée, Au plus profond du noir, Nous vivons dans l’éclat, Invendus ou encore Ecrire Duras sont autant d’œuvres qui entrent en résonance avec la subjectivité du dire, la persistance de l'écrit, son processus combattif et fragile à la fois : l'imaginaire, l'information, le témoignage sont confrontés à la censure, au silence. Tels ces images et textes promis à l'effacement ou ces livres envoyés au pilon maculés d'un bleu de méthylène qui vient  les déclasser.

Pour cette exposition, les Abattoirs publient la troisième édition de son texte Au plus profond du noir, qui dévoile donc une réécriture du récit de Joseph Conrad Heart of Darkness.