Mon royaume se trouve sous vos pieds

Exposition d’oeuvres de Françoise Quardon en partenariat avec l’association YaQua et compagnie.

Le titre de cette exposition est extrait des dernières lignes d’un texte de Françoise Quardon écrit en 2011, période à laquelle elle a conçu jusqu’à aujourd’hui les nouvelles oeuvres présentées au château de Taurines en association à des pièces plus anciennes. La pratique de l’écriture, via de courts textes de fiction, est un accompagnement à l’ensemble de son travail d’artiste, une façon de « poser des questions et de prendre l’ennemi à revers, sans la pesanteur de la matière ».1

Ainsi que le titre l’évoque, il est ici question de forces chtoniennes, d’esprits, d’échos, (d’une pièce à l’autre, d’un étage à l’autre, des oeuvres entre elles) dont Françoise, qui se désigne comme « passante et traversée » se fait la narratrice, tissant des fils entre des personnages chers et disparus, des histoires minuscules prises dans l’Histoire, le trivial et le sublime, le quotidien et l’imaginaire, le « tissu de l’âme »2 et le poids des corps.

L’ensemble du vocabulaire formel de l’artiste mêle photographie, sculpture, vidéo, son, dans lequel la couleur, l’ornement, l’art du détail sont des leurres tentant de réparer des corps hybrides blessés, des objets imparfaits et bancales, hantés par les marques du temps. « On ne se débarrasse jamais des évènements, des états de l’élaboration d’une oeuvre ; l’oeuvre accomplie porte toujours des traces de son élaboration. D’une certaine façon, c’est la vengeance de l’humain, du rien qu’humain. »3

Dans une pratique proche du sample en musique ou du mash up au cinéma, Françoise Quardon construit une polyphonie pleine d’anachronismes où une veuve du 18ème siècle pleure un rocker éthylique disparu au 20ème siècle, où la nature fantastique et animale appelle les esprits des disparus, où les liens familiaux sont écartelés dans une sorte d’exorcisme, le tout saupoudré de paillettes, qui font rêver sans trop y croire les petites filles même devenues grandes, la lucidité s’alliant à l’humour, la parodie, le travestissement, la dérision.

Le château de Taurines est investi comme un vaisseau imaginaire dans lequel Françoise Quardon nous embarque en créant par petites touches entre le lieu et les oeuvres des associations d’idées, des rapports intérieur / extérieur, le contexte n’étant jamais prétexte à un travail in situ, mais plutôt à créer un temps particulier où la matérialité du lieu et celle des oeuvres s’influencent et dialoguent, où le personnel s’efface pour « une solitude multiple et peuplée ».4

« Ce sont les oeuvres et la voix des autres qui me mettent en marche, des cadeaux précieux que je prends avec précaution dans mes mains en me disant quelle chance ! A ce moment là, je me détache de moi-même et deviens transparente, comme un fantôme. »

« Je suis en eux sans rien de plus, rien qui ne soit à eux, rien à moi. »5

1- les éléments entre guillemets et en italiques sont des citations de FQ
2- Gilles Deleuze, Leibniz : âme et damnation, éd à voix haute, Gallimard, 2003
3-Pierre Guyotat, Explications, éd Léo Scheer, 2000
4-Frédéric Emprou, Françoise Quardon, vernie rose poussière, Revue 303, 1er trimestre 2002
5-Nathalie Sarraute, Enfance, éd Gallimard, 1983

Biographie

Françoise Quardon est née en 1961 à Nantes. A la fin du lycée, voulant écrire mais sachant qu’elle ne pourrait rivaliser avec William Faulkner, son héros (!), elle se tourne en toute ignorance vers des études d’art.
Ses rencontres avec Bernard Lamarche-Vadel et Gina Pane seront déterminantes.

Yannick Miloux alors directeur de La Criée-Halle d’art contemporain (Rennes) lui consacre une exposition personnelle en 1990 accompagnée de son premier catalogue regroupant des oeuvres de 1985 à 1990 Je pense à vous.

Elle a depuis participé à la première biennale de Lyon L’Amour de l’art (commissaire Thierry Raspail), Féminin-Masculin, Centre Georges Pompidou (commissaire Marie-Laure Bernadac et Bernard Marcadé), Présumés Innocents, CAPC, Bordeaux (commissaire Marie-Laure Bernadac, Stéphanie Moisdon), Elles Centre Georges Pompidou, Blanche est la couleur Hommage à Thomas Gleb, Passage de Retz (commissaire Yves Sabourin).

L’ornement et le décoratif étant fortement inscrits dans son travail, elle a récemment réalisé le décor d’un service de table Les délices des harpies pour la Manufacture de Sèvres, ainsi que le carton d’une tapisserie Joie pour la préfecture de Guéret (commande du CNAP).

L’ensemble de son travail est répertorié dans la monographie La Ballade des clamecés éd joca seria, 2009.
Certains de ses textes de fiction sont publiés aux éditions contrat maint, Toulouse.

site : http://www.francoisequardon.fr/
blog : http://tirerlacouv.over-blog.com/