Festival Jardins Synthétiques

Le festival "Jardins Synthétiques : A la croisée des temps, les Arts" est un lien éphémère entre valorisation du patrimoine et création contemporaine. Tandis que vous pourrez assister à des performances de danse, des concerts ou des rencontres, les créations plastiques interrogeront cette année la "Représentation animale, sa symbolique et ses croyances ou mythes associés".

Artistes de la collection présentés : Rina Banerjee et Thomas Grünfeld

Rina Banerjee
She's my country... her breath exploded of putrid death and folly. Her tresses snagged the most prickly greed lured cultures to wet their beds severed family and prayed on hope... she is at war, 2009

Sources de terreurs et allégories des forces qui dominent au destin des humains, les créatures hybrides issues de la mythologie gréco-romaine constituent une source d’inspiration intarissable. Remises au goût du jour dès la Renaissance par le biais des arts et de la littérature, ces figures métissées se sont solidement ancrées dans la culture occidentale à tel point que certaines d’entre elles ont intégré notre vocabulaire quotidien (harpie, chimère, etc.)

Traversant les époques, certaines de ces figures n’ont cessé de muter, en s’intégrant à de nouvelles cultures qui en redéfinissaient les contours sans pour autant leur ôter certains traits caractéristiques. L’un des exemples les plus probants est sans nul doute celui du Sphinx, présent chez les Egyptiens et réinterprété par les Grecs. En ce sens, certaines de ces créatures hybrides sont emblématiques des métissages culturels qui ont pu avoir lieu, l’évolution de leurs formes et attributs véhiculant la mémoire de ces échanges et rencontres passés.

Si l’on devait élire une chimère représentant la société globalisée dans laquelle nous vivons, ce serait sans nul doute celle de Rina Banerjee. Originaire d’Inde, vivant à New-York, l’artiste propose une créature composée d’un crâne de bœuf du Texas, de tissus hindous, d’une ombrelle chinoise ou encore d’une moustiquaire japonaise. L’assemblage de ces éléments typiques des grandes puissances économiques actuelles et postcoloniales. Ce travail onirique, délicat et néanmoins menaçant est une métaphore d’un monde en perpétuel devenir.
Thomas Grünfeld
Misfit Ane/Coq, 1996

Plus que tout autre, le corpus mythologique gréco-romain regorge de créatures fantastiques, hybrides de plusieurs animaux, voire d’animaux et d’êtres humains. Du Minotaure à Chimère, en passant par les centaures, harpies et autres satyres, les exemples abondent et témoignent d’un imaginaire foisonnant et terrifiant qui place les forces divines et la Nature au dessus des Hommes, ces derniers en appelant souvent aux héros et demi-dieux afin de les libérer de l’oppression de ces créatures hors-normes.

A l’heure du clonage, de la robotique et des modifications génétiques, l’apparition de créatures hybrides ne semble plus relever du fantastique, la technologie permettant de confondre le registre du mythe avec celui du réel. L’apparition de telles entités dans la culture populaire – du cinéma à la littérature, en passant par la bande-dessinée – témoigne ainsi d’une certaine angoisse de voir un jour ces dernières prendre forme et vie, abolissant la frontière qui s’épare l’imaginaire de la réalité.

Issu de la série des Misfits (« inadaptés »), l’Ane/Coq de Thomas Grünfeld témoigne d’un univers absurde, déroutant, et finalement inquiétant quand on s’y attarde. Hybridant différentes espèces ou familles par le biais d’animaux taxidermisés, l’artiste se fait démiurge en se jouant de la dialectique du mythe et du réel, et en matérialisant des créatures fantastiques. Ces créations artificielles peuvent également être perçues comme une relecture ironique de la « Gemutlichkeit » – satisfaction allemande du bien-être que l’on éprouve chez soi – qui a notamment produit la tradition des trophées de chasse.